Difficile de rester les bras croisés et ne rien dire sur cette triste journée de sécurité civile qu’a connue le Québec cette semaine : l’urgence liée à la tempête hivernale et la gestion de crise de l’autoroute 13. Pour employer une figure de style bien connue chez nous : ce fut une occasion ratée de sauter sur la glace et de marquer des points. Nous aurions dû voir une équipe (les divers partenaires concernés) se passer la rondelle lorsque c’était le temps, telle une équipe bien entraînée et prête pour la plus importante partie de la saison. Nous connaissons la suite. Les joueurs ne se sont pas présentés. Totalement désolant…en 2017…nous ne sommes pas dans une quelconque contrée lointaine où les services ne sont pas supposés exister !
Note : J’évolue dans le domaine de la sécurité civile depuis plus de 16 ans, dont les 10 premières dans le secteur public. Ce blogue a, entre autres, toujours servi à analyser des cas d’urgence d’ailleurs et d’ici afin d’en tirer des apprentissages. Demeurée muette face à cette gestion de crise hautement critiquée de toute part, m’était simplement impossible.
Mon collègue du CanVost, Patrice Cloutier, montréalais, maintenant résidant en Ontario, a fait son analyse. Nul ne sert donc de répéter ce qu’il soulève du point de vue de la non-préparation et de l’intervention. Toutefois, afin d’aller un peu plus loin, je vais me concentrer sur ses deux derniers points de forme, concernant ce qui aurait dû être fait.
- A joint information centre with representatives from all agencies involved should have been created /Un centre d’information commun, avec les représentants de tous les acteurs concernés aurait dû être créé.
On a oublié de se parler en amont. De se coordonner quant à l’intervention (c’est assez évident!) ainsi qu’en termes de communication. Tous les modèles météo le prédisaient : ça allait être une grosse tempête. Des messages d’alerte provenant des diverses autorités devaient être communiqués sur les médias sociaux (nous en avons vu très peu, pourtant, la majorité des acteurs municipaux et gouvernementaux concernés s’y trouvent). C’est ce qui a été fait dans l’État de New-York, des heures avant l’arrivée de la tempête #Stella. Des alertes, des consignes de sécurité ont été communiqué. Prenons seulement ces exemples de publications de la FEMA.
En mettant en commun un centre d’informations des divers partenaires ou, à tout le moins, en échangeant des informations entre eux avant, ils auraient pu décider :
- du type d’informations à fournir (dont les consignes de sécurité) ;
- des mots-clés à utiliser ;
- des acteurs officiels à suivre et avec qui échanger sur les médias sociaux ;
- de leur plan de match pour la veille médias sociaux de leurs gestionnaires de communauté (dont le boulot, dans une telle circonstance ne doit pas se résigner à du 8 à 4!). Une telle planification des communications nécessite une volonté.
Tous ces acteurs ont un rôle à jouer au sein du PNSC, déclinable en région et dont le plan municipal de sécurité civile est aussi basé : par mission.
Ce qui aurait permis une préparation #MSGU minimale avant l’arrivée de la tempête. Cependant, si nous remontons les fils twitter des principaux acteurs municipaux et gouvernementaux concernés (et ceux qui auraient dû l’être), nous constatons que très peu d’entre eux ont publié des informations en amont, même que pour certains, les dernières informations
- ne concernaient aucunement la venue de la tempête,
- «dataient» du 8 mars et d’autres de février,
- concernaient le test d’alerte, alors prévu.
Nous pouvons donc dire, qu’en amont, mis à part de rares informations, c’était plutôt, silence radio, ou plutôt, silence médias sociaux.
Reconnaître l’urgence ou l’imminence évidente d’une urgence, devrait figurer en haut de la liste des communications d’urgence. J’ai pourtant la perception qu’encore, en 2017, les autorités semblent avoir peur de faire peur aux citoyens et évitent donc de leur communiquer les risques, même avec une telle imminence. L’expert de la communication des risques, Peter Sandman, le mentionnait en 2004 : cessons d’avoir peur de faire peur.
On a beau avoir la couenne dure au Québec, des tempêtes, nous en avions vu d’autres. Cependant, celle-là, s’annonçait comme l’une des 5 pires depuis les 5 dernières années. On se devait de la prendre au sérieux. Une réelle prise au sérieux, par les autorités, quant aux urgences anticipées, se répercutera jusqu’aux citoyens. Et ils finiront par prendre au sérieux les autorités ainsi que leurs messages. Nous sommes toutefois bien loin de là…
- the JIC should have had an operational social media listening operations in place during the storm to improve overall situational awareness and keep info flowing and respond directly to those who might have been at risk /Le centre d’information commun devrait inclure une façon d’écouter ce qui se dit sur les médias sociaux pendant la tempête pour améliorer la situation et s’assurer de répondre à ceux dans le besoin ou qui étaient à risque.
Les MSGU : médias sociaux en gestion d’urgence permettent aux organisations (qui les utilisent adéquatement), de jouer un rôle de proximité avec les citoyens. Remontons à l’ouragan Sandy. La gestionnaire de communauté du service incendie de la ville de New-York, avait fait un boulot grandiose. Elle avait contribué à sauver des vies (fournir des informations rapidement, contribue à sauver des vies), par son écoute en ligne (la veille) et ses interactions auprès des personnes qui appelaient à l’aide. C’était en 2012. New-York, avait appris de l’ouragan Irène. Pourtant, Montréal avait aussi une opportunité d’apprendre, lors de l’avis d’ébullition majeur en 2013… c’est bien aussi la Métropole qui se dit être une ville résiliente ?
À l’échelle provinciale, lors de la tragédie de Lac-Mégantic, le travail de communication avait été remarquable ! Cette tragédie n’était pas annoncée. Les intervenants avaient sût rebondir avec brio autant sur le plan des relations de presse que sur les médias sociaux. Que s’est-il passé, cette semaine pour que l’on ait plus l’impression de reculer que d’avancer ?