Par Guylaine Maltais
22 mai 2013, à Montréal, un avis d’ébullition préventive a été publié par la Ville, touchant 1,3 millions de personnes. Une situation d’une ampleur sans précédent. Au jour 2 de l’événement, voyons comment les médias sociaux en gestion d’urgence (MSGU) sont utilisés par les divers acteurs concernés, ce qui en ressort à ce moment précis et quelques pistes de solutions. Bien qu’essentielle, l’alerte ne sera pas abordée dans ce présent billet.
Parler le même langage
En communication de risque et d’urgence, la base consiste à faire en sorte que tous parlent le même langage afin de se comprendre. Avec les médias sociaux, cela s’avère encore plus important considérant le nombre impressionnant de mots clés (hashtags, mots clics) qui surgissent. Les organisations responsables (dont nous parlerons plus loin) ont sensiblement tous utilisés le même (le premier de la liste ci-bas). Mais en faisant une recherche, on remarque qu’une panoplie d’autres personnes, journalistes, médias et individus, «parlent» sur d’autres canaux. Car, pour ceux qui seraient moins habitués avec Twitter, rappelons-le : un mot clé permet de suivre une conversation sur le dit mot clé, un peu comme un canal. Donc, si tous n’utilisent pas le ou les mêmes, impossible de tout savoir ce qui se dit et par qui. Voici les principaux mots clés récoltés pour ce cas :
- #AvisEbullition
- #eau
- #Montréal
- Avis d’#ébullition
- #ébullition
- #MTL
Étourdissant n’est-ce pas ? En tant qu’organisation responsable, deux solutions s’offrent à vous :
- Vous coller aux mots clés les plus utilisés s’ils ont été créés avant que vous ne preniez numériquement la parole.
- Faire connaître le ou les mots clés que vous utiliserez et dont vous invitez, population et médias à le suivre. Assurez-vous que ces mots soient partagés. Vous pouvez même le demander à votre communauté. Comme : «Pour la situation en cours, nous vous invitons à suivre le mot clé #avisebullition. Merci de partager! » Si vous avec une bonne relation avec elle, elle devrait vous appuyer.
Autrement, vous risquez de joindre une audience moindre et dans une situation comme celle qui se vit actuellement à Montréal, l’objectif doit être de joindre le maximum de personnes.
Des comptes pas assez bavards
Avec les médias sociaux, la règle d’or pendant un événement/urgence, consiste à alimenter vos réseaux sociaux. Surtout si vous assurez déjà une présence et que vous avez une communauté. La population ayant horreur du vide il faut l’informer, la tenir au courant de l’évolution de la situation. Surtout dans ce cas précis où plusieurs enjeux de santé sont en cause. Si elle ne l’obtient pas des organisations officielles, la population trouvera l’information autrement. En d’autres mots : il faut prendre SA place. Les organisations responsables de l’événement ont donc comme rôle de mettre l’information à jour à fréquence régulière pour éviter le vide. Le jour 1, j’ai donc suivi ces organisations afin de voir lesquelles communiquaient à partir des médias sociaux. Lesquelles prenaient leur place.
En faisant une analyse rapide, on constate que l’acteur le plus présent pour communiquer au sujet de l’avis d’ébullition ce 22 mai est le compte du Plateau Mont-Royal. Chapeau le Plateau ! (Le Plateau étant un arrondissement de Montréal).
Alors, qu’en principe on aurait dû retrouver soit l’organisation qui coordonne l’événement soit celle en charge des enjeux de santé. Pour les Montréalais, en tant que sinistrés, car c’est ce dont il s’agit, il est capital de savoir qui coordonnent l’événement. Qui en est le leader. Et ce rôle doit transparaître aussi dans les médias sociaux.
Disons les vraies affaires : pour les deux organisations les plus concernées, la Ville de Montréal et l’Agence de la santé très peu d’information via les médias sociaux, dont sur Twitter, n’a circulé.
- La ville de Montréal via son compte @MTL_Alertes a émis un total de six publications + 1 Retweet
- L’Agence de la santé de Montréal via son compte @santemontreal a émis trois publications (et trois publication sur leur compte Facebook, plus une le jour 2 au moment d’écrire ces lignes)
Cependant, dans les médias traditionnels, ces organisations ont été celles que l’on a vues et entendu. (Ville, Agence)Bien qu’un superbe travail de communication soit effectué dans les médias traditionnel, avec un porte-parole en confiance, désormais, il ne s’agit pas d’une question de choix : quels médias on privilégie (les traditionnels ou les sociaux) ? En effet, on doit être présents dans les deux ! La perception jouant un rôle majeur en urgence, en étant absent des médias sociaux, une portion non négligeable de la population concernée risque de percevoir que rien ne se passe, car aucune information ne circule. Alors que dans les faits, sur le terrain, l’intervention bat son plein.
Le jour 2, la seule organisation officielle à avoir mis à jour l’information ne l’a fait que sur sa page FaceBook le matin, tandis que sur son compte Twitter…le calme plat comme pour toutes les autres organisations d’ailleurs. En effet, au moment d’écrire ces lignes, à 10 : 42, mise à parte le service incendie de la Ville de Montréal @MTL_SIM aucun autre compte officiel des organisations concernées analysées n’a mis à jour ses informations.
Fort à parier que les rencontres de coordination se multiplient (cette portion de l’urgence est plus que capitale) et que l’intervention roule à plein régime, mais des ressources sont nécessaires au centre de coordination pour maintenir le cap des MSGU et assurer la discussion avec la communauté «de moins en moins virtuelle».
Stay on topic
Stay on topic est une expression anglophone utilisé pour exprimer la nécessité de demeurer sur le sujet concerné par un compte organisationnel. Bien sûr que la vie continue malgré tout, mais à mon sens, pendant une situation d’urgence telle que l’avis de non consommation d’eau, il ne convient pas de voir passer, sur les comptes officiels, des publications hors contexte à travers les informations en lien avec l’événement. Là se pose la fameuse question : un ou plusieurs comptes pour la même organisation ? La réponse est «ça dépend» :
- De vos ressources : humaines et financières
- De niveau d’engagement que vous souhaitez investir
- De vos objectifs de communication
Mais sachez que si vous utilisez un seul compte pour une organisation, en urgence, il conviendrait d’aviser que : seule l’information relative à l’urgence sera diffusée sur vos réseaux tant que l’événement ne sera pas terminé. Comme pour autre chose : en urgence, on met les autres dossiers de côté pour les reprendre une fois la poussière retombée. Même chose avec vos diverses plateformes de médias sociaux.
Faire diminuer le bruit inutile
Évidemment, comme pour toute autre situation, des internautes ne peuvent s’empêcher de faire du bruit sur les divers canaux, utilisant les divers mots clés. Une tonne de publication inutiles se faufilent, voire, prennent même le dessus sur les informations essentielles dans les médias sociaux. Piste de solution ou bris de liberté d’expression : et si les autorités invitaient gentiment la population à communiquer sur le sujet seulement si elle avait des questions ? Même principe que pour les lignes téléphoniques en urgence «merci de laissez les lignes téléphoniques libre pour les services d’urgence.»
Il va s’en dire que bien que des organisations responsables des mesures d’urgence soient grandement efficaces en planification et sur le terrain ainsi qu’en communication d’urgence traditionnelle, désormais, elles doivent aussi être efficace dans leurs communications sur les médias sociaux. Négliger cette part importante de la population c’est se restreindre dans la propagation de votre message. Votre communauté 2.0 étant un relaie d’information nécessaire à vos messages tant avant, pendant qu’après l’urgence.