Par Guylaine Maltais
Basée sur une tranche de vie : avez-vous ce qu’il faut pour faire face à une situation d’urgence ?
Ceux qui me connaissent le savent et si vous me suivez dans les médias sociaux, vous étiez peut-être aussi au courant : je pratique la course à pied depuis une demi-douzaine d’années et j’aime échanger à ce sujet avec d’autres coureurs. Après avoir foulé la route asphaltée pendant 5 ans, j’ai voulu connaître autre chose et suis devenue adepte de la course en sentiers. Rapidement, j’ai ressenti le besoin de me dépasser (les liens avec les mesures d’urgence approchent !) Me sortir de ma zone de confort, voir de quoi j’étais capable et me confronter tant à moi-même qu’à la nature sont devenus des objectifs à atteindre. La pratique de ce sport a des parallèles palpables avec les mesures d’urgence.
Évidemment, que ce soit sur route ou en sentier, jamais prendre le départ en talons hauts ne m’a traversé l’esprit ! Vous imaginez ça ? J’aurais sans doute l’aide de cette brune étendu de tout son long sur la photo. Vous le feriez-vous, en talons hauts ? Non plus et je le sais bien ! Quels seraient les risques ? Après quelques pas, sans doute vous iriez aussi embrasser le sol et vous en relèveriez un peu écorchés ici et là.
Affronter une longue course en sentier comme une situation d’urgence
Cette journée là, le 5 septembre dernier, je me suis présentée sur la ligne de départ pour vivre mon 1er ultra marathon de 50 km. Bon, là, je vous entends : Quoi ? 50 km ? Oui, c’est bien ça ! Non, mais y as-tu pensé ? Bien sûr ! Et longuement. Courir pendant 50 km …dans le bois ?!! Il nous arrive aussi de marcher, parce que parfois nous n’avons simplement pas d’autres choix. Es-tu certaine que tu n’es pas tombée sur la tête ? Pas du tout ! Combien de temps ça t’a pris ? Ha la fameuse question du temps !
Je ne suis pas tombée sur la tête et je n’ai pas non plus manqué d’air au cerveau. Déjà quelques courses de moindre distance et des demi-marathons figurent à mon actif, la majorité sur route et un en sentier. Un brin d’expérience cumulé au fil des dernières années. Bien que plusieurs éléments demeurent incertains et que nombre d’imprévus sont possibles pendant un Ultra, passer à une étape supérieure s’avérait un défi à relever.
Ce jour là, comme tous mes pairs, je me suis présentée avec mon équipement de coureur :
- Mes vêtements de course ;
- mon dossard ;
- mon eau ;
- mon sourire ;
- ma confiance.
Et plus spécifiquement, mon équipement de course de trail :
- Mes souliers à crampons ;
- Mon sac d’hydratation ;
- Ma nourriture et tous les nutriments dont mon système aurait besoin pour la journée (j’en ai même eu trop !);
- Mon sourire ;
- Mon bagage d’entraînement et conseils de mon coach des 28 semaines précédentes et des trucs et conseils d’amis expérimentés dans les courses de très longues distances, donc…
- Avec aussi, ma confiance.
Alors, j’ai parcouru ce magnifique sentier, un km à la fois. Parfois plat et facile, souvent technique (i-e.: avec des racines, des souches d’arbres et des roches au sol ainsi que des ponts qui, à l’occasion, tenaient de peur. Un terrain, nécessitant donc de bien regarder où on pose les pieds, car les prises de décisions sont rapides : Je passe ici ou là ? Rien ne sert de prendre un risque inutile), souvent escarpé, de nombreuses montées qui n’en finissait plus de nous époumoner et des descentes qui demandaient la prudence.
Malgré une aventure non sans douleur et non sans fatigue et difficulté, un seul objectif demeurait dans ma mire : la ligne d’arrivée !
Imaginons que cette course était mon «Worst Case scénario». Décortiquons un peu les choses. J’ai affronté cette course :
- Équipée ;
- Entraînée : avec un coach qui me fournissait, entre autres, un programme ;
- Informée ;
- Exercée : je suis sortie courir tant à 30 degrés qu’à -35 et tout ce qui peut se trouver entre les deux et sur divers types de terrains ;
- J’étais donc P-R-É-PA-R-É-E pour affronter mon 1er ultra marathon en sentier.
Qui plus est, je n’étais pas seule, tandis que mon coach, lui, il nous attendait à l’arrivée. Il n’allait pas faire ces km à ma place.
Si à mon tour je vous retournais la question : Un événement survient dans votre usine ? Votre entreprise ou votre organisation est impactée par une urgence ? Un sinistre survient dans votre municipalité ? Vous êtes sérieux ? Vous croyez en avoir pour combien de temps ?
- Aviez-vous planifié ce scénario ?
- Votre personnel est-il informé de ce qu’il doit faire ?
- Et la population autour ?
- Connaissez-vous les ressources pouvant vous appuyer ?
- Vous étiez-vous exercés pour cette urgence ?
- Êtes-vous bien équipés ?
- Et vos communications ? Elles sont complexes et multiples (la communication interne, la communication externe, les relations de presse et les MSGU: médias sociaux en gestion d’urgence), y aviez-vous pensés ?
- Vous ferez face à de nombreuses incertitudes, passerez-vous au travers ?
- Vous sentez-vous en talons hauts ?
La planification d’urgence s’avère laborieuse, parfois époumonante et toujours longue telle un ultra marathon en sentier. Tout comme les souches et racines que j’ai dû franchir, votre parcours peut certes se voir parsemé d’obstacles (partenaire important qui n’y voit pas les mêmes avantages que vous à se préparer, manque de ressources, manque de connaissances sur les risques, etc.) et d’autres fois, vous faites de belles et longues avancées, vous respirez mieux et vous n’avez qu’une envie : continuer pour aller plus loin. Vous ferez également la rencontre de personnes déterminantes qui partageront votre route (certaines d’un bout à l’autre, d’autres à l’occasion) et qui feront une différence dans votre planification.
Mieux qu’hier et moins que demain
Je crois utiliser cet adage certainement depuis mes tous débuts dans ce métier !
Bien que j’ai pris la ligne de départ de ce 1er ultra marathon en sentier préparée et entraînée et qu’après plusieurs heures, j’ai franchie cette ligne d’arrivée (avec le sourire) je suis loin de me considérer comme une experte coureuse de longues distances. Toutefois, l’avoir vécu et expérimenté en ayant concrètement les pieds dedans m’a fait récolter un baluchon rempli de nouvelles connaissances et d’expériences. Ce qui fait que je sais déjà quels seront les points à améliorer pour le prochain.
Il en est de même pour vous
- En allant chercher les connaissances qui vous permettront de mieux connaître ce qui peut se produire ou avoir des impacts chez vous;
- en collaborant avec ceux qui vous aideront à vous vous préparer et aller plus loin ;
- en identifiant les ressources qui formeront votre équipe d’urgence (pour toutes les phases de la sécurité civile) ;
- en informant votre personnel ;
- en vous exerçant ;
- et ultimement, en informant la population,
vous serez mieux préparés qu’hier. Ce que vous apprendrez au fur et à mesure de cette planification vous rendra meilleurs que la veille. Si une urgence survient entre temps, tout ce que vous aurez mis en place, sera déjà un pas de plus. Quant aux enseignements récoltés de cette urgence, ils serviront pour la suite. Vous voudrez appliquer ces nouvelles notions pour être plus fort la prochaine fois.
Si le concept de participer à une course en talons hauts vous fait sourire, j’ose imaginer que l’idée de faire face à une urgence en étant non préparé réfère aussi à un non sens.
Qu’il s’agisse d’une course ou de mesures d’urgence, mieux nous sommes préparés AVANT plus nous avons de chances de gagner du temps PENDANT. Toutefois, contrairement aux courses qui elles, sont bookées à l’avance dans l’agenda, les catastrophes ne prennent pas rendez-vous… Si demain matin une survenait chez vous, avez-vous la conviction d’avoir des chaussures adéquates ? Êtes-vous confiant que vous avez ce qu’il faut pour y faire face et vous rendre jusqu’à la fin sans trop de heurts ?