Dans mon dernier billet, je mentionnais que la perception et la transparence ne faisaient pas cavalier seuls dans la communication de risque.

En fait, la confiance, l’incertitude, la crédibilité, la permanence, la démocratie, le dialogue, le facteur temps sont aussi certains des éléments clé à considérer pour une communication de risque efficace. Dans ce présent billet, nous allons mettre le cap sur la confiance et la l’incertitude.

J’ouvre donc les pages de mon «vieil» Essai (2008) dans lequel je traitais du sujet. Je dis vieil car aujourd’hui, il serait intéressant de savoir ce que proposerait la revue de littérature. Toujours est-il : 2008 ou 2016, comme on dit, il y a des classiques qui demeurent ! Et s’y référer s’avère toujours bon.

NOTE : ce billet est tiré d’extraits de l’Essai «La perception des politiciens en regard de la communication des risques» G.Maltais 2008. On le dit toujours : le premier client d’une communication de risque ce n’est pas le citoyen, mais bien les décideurs et souvent, ces derniers sont des politiciens. Je voulais comprendre où ils se situaient.

Mettons le cap sur deux autres concepts  

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La confiance. Tout comme dans plusieurs sports, elle se joue en équipe. Celle de la population envers les décideurs, les gouvernements, les entreprises (industries, générateurs de risque) et celle des décideurs, gouvernements entreprises,  envers la population. Aujourd’hui, vivant l’expérience de bénévole en soutien virtuel aux opérations d’urgence, au sein de deux équipes VOST, soit VISOV et CanVost où l’on utilise les MSGU (médias sociaux en gestion d’urgence) j’ajouterais cette variable : cela est aussi vrai entre une équipe VOST et les partenaires acteurs et gestionnaires de la gestion d’urgence.

 

La confiance constitue donc un processus bidirectionnel, mais malheureusement, nos expériences nous ont souvent démontrés qu’elle est généralement considérée…à sens unique. Comme je le dis souvent pour d’autres aspects de la communication et pour les MSGU : comme dans plusieurs sports, ça se joue en équipe ! Ce concept est tout simplement incontournable à la communication des risques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) lui accorde en effet une grande importance. Dans le « Rapport sur la santé du monde », au chapitre portant sur la perception des risques, nous pouvons lire :

Tant les gouvernements que les politiciens ont un rôle majeur à jouer dans la gestion des conflits (…) en favorisant un dialogue franc et ouvert au sein de la société afin que le grand public leur fasse vraiment confiance. Une importante conclusion s’impose : pour réduire la future charge mondiale des risques, il est essentiel que toutes les parties dialoguent dans une atmosphère de confiance mutuelle. (2002, p.36)

Dans un texte concernant les champs électromagnétiques (CEM), l’OMS explique que :

« Lorsqu’on traite d’une question qui soulève autant de passions que le risque potentiel pour la santé représentée par les CEM, l’un des talents de communication les plus importants est l’aptitude à créer et à entretenir un rapport de confiance avec les parties impliquées dans le processus ».

(2003, p. 43)

Selon Peter Sandman (2006), la confiance des autorités envers la population constitue une des meilleures pratiques de la communication de crise[1]. Selon cet américain (grand penseur de la communication pour qui j’ai un grand respect !), il faut avoir confiance que la population sera résiliente, et qu’elle saura supporter les avertissements qui peuvent être difficiles à entendre et les réalités non plaisantes. Il faut avoir confiance que les gens sauront faire les bonnes choses. Cette pratique va à l’encontre des propos et comportements paternalistes que nous sommes habitués de voir ou d’entendre.

Cette vision de Sandman me suit depuis le 1er jour où j’en ai pris connaissance !!

Et si, en Europe, le public a vue sa confiance diminuer envers certaines autorités et organismes de contrôle, c’est que celles-ci n’ont pas bien gérer certaines crises. Ce qui a donc entraîné, selon Lofstedt (2004), une détérioration de la confiance de la population. Pensons entre autres à la crise la crise de la dioxine en Belgique en 1999, le scandale du sang contaminé en France et la crise de la vache folle en Grande-Bretagne.

En effet, dans le cadre de la crise de la vache folle par exemple, fournir de fausses informations ou vouloir maladroitement rassurer la population a eu comme effet de voir apparaître un sentiment de méfiance chez la population.

Ces cas «datent» peut-être, mais étant classiques et faisant partie de l’histoire collective, ils démontrent bien que si l’on sous-estime les capacités des citoyens, si on les prend pour des enfants, que l’on tente de «jouer au plus fin avec eux», aucun gain n’en ressortira. Et les auteurs sur le sujet sont unanimes : la confiance constitue un atout majeur pour ceux qui ont à communiquer des risques à la population.

Mieux vaut mettre l’effort de leur faire confiance dès le début du processus.

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L’incertitude. Une autre grande thématique qui se dégage de la littérature : l’importance de la reconnaissance des incertitudes par les autorités. À ce sujet Antony, R.[2] (2004) relève des façons de faire afin de construire la confiance du public envers les communicateurs du risque. Une de ces façons de faire s’énonce comme suit : «les agents gouvernementaux doivent être préparés à reconnaître qu’ils n’ont pas toutes les réponses et qu’ils sont ouverts aux suggestions alternatives» (traduction libre).

Le Bureau du Conseil Privé (BCP.2000), dans son Rapport sur la gestion du risque pour le Canada et les Canadiens, dévoilait à l’époque : « il semble que reconnaître l’incertitude et la gérer est une préoccupation croissante des décideurs en matière de politique gouvernementale ». Ce groupe de travail présentait comment créer un cadre de référence pour la gestion publique des risques. Dans celui-ci, il était donc clair que « la gestion de l’incertitude intervient dans le processus décisionnel ». De son côté, pour l’OCDE (2001), « signaler toute incertitude » constitue un des défis de la communication des risques dans l’élaboration de messages crédibles.

Selon l’OMS (2003), il convient de faire plus que de communiquer les incertitudes. Il faut les intégrer dans la planification de la gestion du risque ou de la communication du risque :

L’incertitude est, par conséquent, inhérente au processus et doit donc faire partie intégrante de la planification de n’importe quelle tâche de gestion ou de communication liée au risque. En effet, le public interprète couramment les incertitudes de la connaissance scientifique (…) comme une déclaration confirmant l’existence de risques réels. (p.36)

Il importe aussi d’expliquer pourquoi cette incertitude existe et de la replacer dans le contexte de ce que l’on connaît déjà.

Si au début des années 2000, il était en effet rare de constater l’incertitude dans les communications, aujourd’hui nous voyons plus d’acteurs concernés par la gestion d’urgence être un peu plus à l’aise avec cette réalité. Cela doit continuer !

Considérant que chaque situation d’urgence/crise est appelée à évoluer rapidement et constamment, ne pas avoir toutes les réponses aux questions à un moment X, s’avère donc normal. Dans le cadre de la communication de risque, les informations divulguées faisant état des connaissances à ce moment précis, une avancée, de nouvelles données, une situation d’urgence dans ce secteur, sont tous des facteurs pouvant venir influencer positivement ou négativement la communication. D’où l’importance de toujours demeurer aux aguets.

Comment travaillez-vous avec la confiance et l’incertitude au sein de vos communications et de votre gestion des risques ? Ce qui ressort de ce billet pourra-t-il vous aider ?

 

[1] Bien que Sandman aborde ici l’importance de la confiance lors de la communication en temps de crise, nous jugeons que ce qu’il avance peut tout autant être attribuable à la communication des risques (en période de prévention).

[2] Antony, R. (2004) “Risk communication, value judgments, and the public-policy maker relationship in a climate of public sensitivity toward animal: revisiting Britain’s foot and mouth crisis’’.