Par Guylaine Maltais
Ce lundi, notre petite communauté francophone MSGU a tenu son clavardage en ligne (#msguchat) avec comme objectif, de ressortir des apprentissages de Sandy, cet ouragan qui a frappé les Caraïbes et les États-Unis dans les derniers jours du mois d’octobre. Nos échanges ayant duré à peine une heure, elle est loin de nous la prétention d’avoir fait le tour du sujet. Cependant, nous pouvons quand même tirer quelques leçons.
D’abord, il faut comprendre que nous avons circonscrit seulement quatre questions afin de tenter d’approfondir chacune d’elle. Animée une fois de plus par Cédric Moro, voici où se situait notre terrain de jeu :
- En quoi les caractéristiques de Sandy et de sa zone d’impact ont favorisé l’utilisation massive des MSGU ?
- Comment les MSGU ont aidé les populations à être plus résilientes ?
- Comment les autorités ont elles organisé leur réponse via les MSGU ?
- Qu’est ce qui aurait pu être amélioré pour une plus grande efficacité des MSGU ?
Un rappel des faits
Rappeler les caractéristiques particulières s’avère essentiel. Sandy a été le plus grand ouragan de l’Atlantique impactant une des zones les plus peuplée de la planète : les Caraïbes et l’Est de l’Amérique du Nord, où au moins sept États américains ont été fortement touchés, de la Virginie en montant jusqu’au Maine. Cette zone d’impact, où le maillage internet y est très développé, où ne l’oublions pas, située dans la zone, New-York est la ville des gens « modernes » et « connectés ». Cette zone touche donc des populations très actives sur les réseaux sociaux.
Sur la côte Est des États-Unis, on a vu les lignes 911 saturées et injoignables alors que, dans la grande majorité du territoire, internet continuait à fonctionner. Le réseau mobile a été plus fort que le réseau électrique et téléphonique classique et la connexion 3G semble avoir bien fonctionné. Paradoxalement, on peut tenir cette bonne réponse au sinistre «grâce» à Irène, l’ouragan qui a frappé une partie de cette même zone un an auparavant. Comme les MSGU avaient montré leur utilité, la préparation fut donc meilleure. À titre d’exemple, une plateforme open data, rendue possible par une feuille de route digitale avait été lancée cette année là (2011). Ce qui, cette fois-ci, a permi à la Ville de New-York de procéder entre autres, à des ordres d’évacuation via les médias sociaux. Tant les autorités que la population ont donc appris d’Irène.
La résilience par les MSGU ?
L’information d’alerte, très relayée sur les réseaux sociaux, ne s’est pas avérée autant possible pour les autres médias.
Plusieurs personnes sans accès au 911 ont appelé à l’aide directement sur les réseaux sociaux. Des volontaires ou autorités y ont souvent apporté une réponse. Pour ne nommer que quelques exemples :
- Des appels de particuliers manquant d’insuline ont été entendus et des réponses ont été trouvées par la communauté ;
- Des cartographies en ligne par des équipes de volontaires pour fournir des informations pratiques (pharmacies ouvertes, hébergements particuliers, rechargement de téléphone mobile, etc.) ;
- +100 0000 photos ont été vérifiées et mises en ligne par la communauté ;
- Open Street Map de cartographie collaborative, pour connaître l’étendue des dégâts ;
- Des communautés spontanées se sont mise en place pour démentir les rumeurs.
Le compte twitter de la Fire NY Departement a d’ailleurs connu un succès incontestable grâce à aux interventions de proximité de sa responsable de communauté auprès des citoyens en demande.
Devenue une véritable héroïne, elle a répondu à de nombreux appels à laide, d’ordre psychologiques contribuant même à sauver des vies.
Pendant Sandy, les différences marquées entre Facebook et Twitter apparaissent une fois de plus évidentes. En effet, les deux outils ont des forces et des objectifs différents.
La force majeure de Facebook réside dans le maintient des liens entre familles et amis, diminuant ainsi le stress, aidant donc à la résilience. Encore une fois, avec Sandy, des élans de générosité entre voisins et gens de même quartier ressortent dans l’urgence cette fois, via ce réseau social.
La grande force de Twitter consiste pour sa part à diffuser des nouvelles en temps réel, et ce excessivement rapidement. Idéal pour la communication entre autorités, services d’urgence et population.
Pas moins de 20 Millions de tweets ont circulés sur Sandy. Ce média social constitue donc l’outil par excellence de la communication d’urgence.
L’organisation de la réponse MSGU des autorités
Sandy marque un tournant historique dans les MSGU par les bonnes approches pratiquées par les autorités et saluées par la presse. Dès le début de l’alerte, la FEMA a préconisé l’utilisation des réseaux sociaux et des SMS pour communiquer, anticipant l’écroulement des lignes téléphoniques. Les populations se sont donc tournées vers MSGU dès les premières heures.
La Ville de NY avait aussi prévue ses MSGU et a libéré des données géo localisées, pour l’évacuation et les mises à l’abri. D’autres organisations ont élaboré des cartographies (Google, VOST, etc.) Un maximum d’information ont été donné par les autorités, en fournissant les liens de comptes pertinents à suivre tant sur Twitter que sur Facebook et limitant les liens vers les pages lourdes à charger.
Le niveau d’engagement démontré par les autorités s’inscrit aussi dans l’Histoire des MSGU. Preuve d’une réelle intelligence collective et d’une volonté personnelle, voici deux exemples :
- Les points de presse de la mairie de NY étaient retransmis en direct sur les réseaux sociaux (You Tube) ;
- on communiquait avec des comptes institutionnels mais, les décideurs l’ont fait aussi avec leur compte personnel (gouverneurs, maires, etc.)! Leurs Tweets renforçant ceux de leur administration.
Quant aux autorités absentes des MS pendant l’urgence, elles ont été critiquées pour ne pas avoir répondu aux SOS de la population. Il va de soi qu’avec le niveau d’engagement social pris par les diverses autorités, une seule personne par organisation aurait été insuffisant.
Plusieurs organisations, comme la Croix-Rouge et des compagnies privées, tel General Électrique, ont assuré une présence 24h/24h avec une fréquence de un tweet aux 5 minutes et ce, au plus fort de l’urgence.
Twitter a même fait sa part pendant l’urgence, soit en remboursant des autorités qui avaient achetés des tweets promotionnels pour toucher un plus grand nombre de personnes, soit en mettant en place une procédure spéciale de diffusion de certains tweets a toutes les personnes d’une zone même s’ils n’étaient pas des abonnés.
Tant dans l’éminence de Sandy, pendant son passage qu’après, l’utilisation de cartes interactives, collaboratives montraient respectivement (et par exemple) la trajectoire de l’ouragan, des points de services essentiels (essence, hébergement, routes, etc.) perdus et retrouvés et où la reconnexion d’électricité était rendue. Parmi ces cartes, il y a eu :
- HumanityRoad
- Crisismap
- Esri et pleins d’autres.
Bien que la population se soit levée d’elle même pour démentir les rumeurs, la FEMA a organisé sa riposte avec l’ouverture d’un outil dédié sur leur site internet : « Rumor control »
Voici un reflet des améliorations lignes de conduites à employer, mentionnées pendant le chat :
- Les autorités doivent prévoir de partager numériquement leurs informations sur les alertes et les inclure dans leur plan d’urgence (de sauvegarde, pour mes amis Français) ce qui améliore résilience. Notamment prévoir la mise à dispo des données géo localisées de leur plan d’urgence.
- Éliminer la confusion quant à la qualification de l’aléa (était-ce un ouragan ou un orage? Ce qui a laissé planer le doute sur la dangerosité du phénomène).
- Organiser les mots clés sur les diverses plateformes : Sandy, HuricaneSandy, Frankenstorm. Identifier le ou les bons mots clés à utiliser afin de laisser tomber ceux qui ne le seront pas.
- La vérification des rumeurs aurait pu être mise en place plus tôt.
- Trouver un moyen de synthétiser les informations.
- Prévoir de s’appuyer sur des équipes de volontaires pour traiter la masse de données sur ce type d’urgence, les autorités étant débordées.
Quelques pistes de réflexion
Que ce soit pour New York ou pour nos villes et régions respectives, certaines idées méritent réflexion :
- Un peu comme cela existe en France avec l’intégration de panneaux à messages variables, peut-on imaginer la diffusion de messages RS sur les nombreux panneaux lumineux de NY, dans Times Square par exemple?
- La connexion wifi est devenu aussi indispensable et essentiel que l’eau, l’électricité, etc. À cet effet, il y a ici une piste forte intéressante nécessitant réflexion.
- L’accès à l’information étant vitale lors de catastrophe, prévoir, dans les plans d’urgence, que la population puisse recharger leur téléphone mobile.
- Une cartographie collaborative mise à disposition pour centraliser les informations pratiques. Le développement nécessite du temps et doit être réalisé à l’avance et planifier dans une politique open data.
Peu importe les outils et moyens technologiques généralement, les organisations doivent les inclure dans une campagne de communication préventive et tester les outils avec des échantillons de la population.
Les lignes entre les diverses phases d’une urgence sont parfois bien minces. Pour ceux qui avaient encore des doutes ou interrogations quant aux phases à privilégier pour se servir des médias sociaux, Sandy a démontré que cela était possible et essentiel AVANT-PENDANT ET APRÈS l’urgence, et ce, pour une gestion d’urgence intégrée.
Parmi mes acolytes du #msguchat, si vous jugez que certaines informations ne reflètent pas le chat ou que d’autres mériteraient d’être ajoutées, faites-le en laissant un commentaire. Pour les autres, comment croyez-vous pouvoir conserver certaines de ces leçons pour vos MSGU?