Le 15 octobre dernier, lors de la Grande Secousse, un 1er exercice intégrant les MSGU (médias sociaux en gestion d’urgence) a été vécu au Québec. À la ville de Québec plus spécifiquement. Suivant l’évolution des MSGU de très près, nous savions que déjà quelques uns s’étaient déroulés du côté de la France, toutefois, nous n’avions pas eu mention qu’ils avaient été simulés, de notre côté de l’Atlantique, avant ce jour là. Puisque l’une des bases des médias sociaux se situe dans le partage d’idées et d’informations, nous considérions important de revenir sur l’expérience afin de la partager avec notre communauté et aussi, espérons-le, inspirer d’autres villes de chez nous à passer à l’action.
Des MSGU à leur insu ?
D’entrée de jeu, l’exercice la Grande Secousse, grâce à certains éléments qui le composent, correspond totalement au cadre des MSGU. En effet, pour les non initiés, ils nécessitent une utilisation à toutes les phases de la sécurité civile. Donc, pas seulement lors d’une intervention.
Lorsque vous réunissez :
- Une communication sur un risque potentiel,
- la promotion de gestes à poser afin de viser un changement ou l’adoption d’un comportement par les citoyens,
- un exercice d’urgence concret où la population est invitée à participer,
vous êtes dans la préparation, en phase AVANT. L’initiative d’inclure les médias sociaux dans la promotion des bons gestes à poser en cas de tremblement de terre ou de tout autre type de risque, rejoint la philosophie MSGU. Le 15 octobre 2015, plusieurs acteurs de mesures d’urgence au Québec ont fait des MSGU sans peut-être même le savoir.
Une première : mise à nue
Évoluant avec les MSGU depuis 2012 et participant activement à les faire (re)connaître, à démontrer leur pertinence en sécurité civile, chaque nouveau pas vers l’avant nous démontre qu’ils sont bels et biens pertinents et que l’on doit poursuivre sur cette route. Ce fut donc un immense privilège de contribuer à la préparation et à la réalisation de ce 1er exercice MSGU en collaboration avec Sandra Dion, chargée des projets Vigie et médias sociaux du Projet K à la Ville de Québec.
Bien que préparée à l’avance, la simulation se déroulait en temps réel avec des «acteurs» qui jouaient des rôles spécifiques et publiaient au fur et à mesure, à des heures précises et prévues pour la plupart. Cependant, la spontanéité trouvait également sa place en fonction des réponses et interactions des services exercés. Une plateforme, prétendant des fonctionnalités de base de Twitter, fermée et sécurisée, nous a servie pendant les 2 heures 45 de l’entraînement. Afin de demeurer en contact avec les bénévoles qui n’étaient pas physiquement avec nous, j’avais ouvert une salle skype, dans laquelle nous pouvions échanger au besoin. Comme nous le faisons lors d’activation d’une équipe VOST.
Comme les MSGU s’intégraient à la Grande Secousse, à laquelle s’exerçaient une centaine d’employés de la Ville, une minute après le tremblement de terre fictif (qui débutait à 10h15), les premiers gazouillis s’envolaient dans la fausse Twittosphère. Sachant qu’en urgence, l’information circule à une vitesse presqu’effroyable, imaginons un instant l’ampleur du flux pour un séisme de magnitude 7.1, tel que planifié à la simulation ce jour-là. Après avoir concrètement fait les bons gestes à poser en cas de séisme, l’ensemble du personnel a dû évacuer le bâtiment. Pendant ce temps, les publications commençaient à s’accentuer (soit par les acteurs qui se trouvaient à distance ou par d’autres qui étaient évacués et se trouvaient dans leur voiture, utilisant ordinateurs portables ou téléphones mobiles pour faire entrer leurs «tweets» sur la plateforme).
Bien que nous n’ayons que sept comptes d’où provenait l’information, une certaine pression devait être créée sur les participants exercés. Selon les premiers commentaires recueillis, cela semble avoir fonctionné. En effet, dans ce type de pratique, la quantité n’est pas d’autant nécessaire que la façon dont l’information sera traitée et le délai accordé. Sans compter les possibles anomalies techniques (imprévues, cette fois) auxquelles ils devaient faire face et trouver des solutions.
Mentionnons, que nous avons bénéficié, gracieusement, de l’outil de simulation de la firme française IREMOS. Son représentant nous a d’ailleurs été d’une aide précieuse et grandement disponible lors de la planification et le jour-même (merci à mon collègue Gilles Martin de VISOV pour la référence vers cette plateforme).
Maintenant, pourquoi à la Ville de Québec, considère-t-on important d’intégrer les MSGU à la gestion d’urgence et d’où vient la réflexion et la décision de les pratiquer. Nous nous penchons sur ces questions, avec mon acolyte des derniers mois.
Entrevue avec Sandra Dion
Pourquoi était-il important pour les trois services de la Ville d’exercer les MSGU (médias sociaux en gestion d’urgence)?
Les médias sociaux sont des outils de communications qui relient les gens et qui permettent une communication dans les deux sens. Les statistiques le confirment, de plus en plus de gens sont sur les médias sociaux, peu importe l’âge, évidemment que le pourcentage diffère selon le groupe d’âge.
L’utilisation des médias sociaux lors de catastrophes par des organisations travaillant dans le domaine de la sécurité publique a fait ses preuves en terme d’efficacité pour communiquer avec les gens; comme l’ouragan Sandy, l’attentat du Marathon de Boston ou la tuerie de Moncton.
Depuis mai 2014, le service de police ainsi que le service de protection contre les incendies de la Ville de Québec possèdent un compte Twitter @SPVQ_police et @SPCIQ. En ce qui concerne celui de la Ville de Québec @villequebec, c’est en 2010 qu’il a pris naissance.
Étant présent dans les médias sociaux maintenant, il faut être prêt à répondre adéquatement lors de situation d’exception. C’est pourquoi, nous devons nous exercer ensemble afin de favoriser la coordination des communications à travers les divers services de la Ville, améliorer les connaissances et les méthodes de travail, développer des réflexes et apporter des améliorations au plan, le cas échéant.
D’où origine ce projet ?
Depuis 2012, la direction générale adjointe responsable de la sécurité publique élabore un plan visant à accroître la résilience de la Ville avec ses employés, les citoyens, les acteurs économiques et les grands partenaires régionaux. Cette démarche est effectuée en consolidant les acquis, en accélérant la préparation et en favorisant le développement d’une culture ville axée sur la résilience : « Faire face, s’adapter, surmonter et se remettre ». Ce grand plan, nommé « Projet K » est un projet de développement de la résilience englobant 15 chantiers structurants et complémentaires étalés sur cinq ans. Les 15 chantiers résultent des 15 maillons nécessaires à renforcer pour pouvoir augmenter la résilience de la Ville. Un de ces chantiers se consacre à l’utilisation des médias sociaux notamment, lors de situations d’urgence ou de crise.
Le bureau de la sécurité civile de la ville organise des exercices de table multipartenaires réalistes à partir du centre de coordination de la sécurité civile et des centres opérationnels de missions des incendies et de la police. L’objectif de ces simulations est de renforcer les capacités de gestion de conséquences et de coordination de ces centres, des services de première ligne et des grands partenaires.
Alors cette année, dans le cadre de l’exercice de la Grande Secousse du Québec, il a été décidé de faire un exercice concernant spécifiquement les médias sociaux en gestion d’urgence.
Quelles sont vos premières observations, vos premiers apprentissages quelques jours après cet exercice ?
Plusieurs objectifs ont été atteints entre autres celui de démontrer que les flux de données entrants seront sur diverses plateformes de médias sociaux; Facebook, Twitter, Instagram, etc. Lors d’un événement majeur, il va falloir gérer un tsunami d’informations circulant dans les médias sociaux et être capable de distinguer les informations pertinentes, des rumeurs potentielles et répondre aux besoins et questionnements des citoyens.
Est-ce que cet exercice peaufine votre niveau de préparation à faire face à une situation d’urgence ?
Oui, parce que tout exercice ou simulation nous permet de nous familiariser avec des situations complexes qu’on rencontre dans le cadre de notre profession. Ça nous permet de développer un savoir-faire « sans conséquence » dans la réalité et d’apprendre à prévoir les implications et les conséquences.
Quels sont les éléments incontournables que vous souhaiteriez inclure dans le cadre d’un exercice (techniquement ou d’un point de vue de ressources, gestionnaires)?
Lors d’un exercice, il y a plusieurs objectifs à atteindre, qu’ils soient généraux ou spécifiques. Pour mener à bien une simulation ou un exercice dans un but d’apprentissage, il y a plusieurs choses à considérer. Il faut s’entourer de gens d’expérience qui sauront mener à bien l’exercice qui demande beaucoup de planification, de recherche et de préparation.
Quel serait le prochain pas à franchir en amont avec les MSGU ?
Pour un prochain exercice, ce serait d’impliquer d’autres membres du personnel qu ont à gérer les comptes Twitter pour qu’ils puissent, eux aussi, s’exercer et réaliser à quel point le flux d’information entrant est important. Ce qui leur permettrait aussi, de constater l’impact que cela peut avoir sur leur travail. Il serait aussi intéressant que des membres de la direction puissent assister à ce type de simulation afin de bien comprendre tous les enjeux.
L’exercice MSGU en quelques chiffres
- Une planification par deux personnes
- Une plateforme de simulation fermée
- 10 comptes, dont
- cinq de faux citoyens (joués par cinq bénévoles)
- deux de faux médias traditionnels
- Trois services exercés
- Sécurité incendie
- Service de police
- Service des communications
Approximativement
- 284 Tweets entrant et sortant
- Une moyenne approximative de 103 Tweets à l’heure
Une alliée passionnée et dévouée à la cause
Quand je regarde mes collègues de VISOV et la communauté MSGU grandissante dans l’Hexagone, le constat de la quantité d’ambassadeurs est impressionnant (sans compter que le Gouvernement Français vient de déployer sa stratégie numérique en y intégrant les MSGU !) Je dois admettre que de notre côté, je nous compte sur les doigts d’une main. Toutefois, pour faire avancer ce type de dossier, nous avons besoin de :
- conviction
- passion
- ne jamais baisser les bras, donc de persévérer
Ces ingrédients sont regroupés chez Sandra Dion. Elle est en fait une alliée MSGU inestimable au Québec et on ne peut que souhaiter que sa passion contagieuse se multiplie sur son passage et auprès de collègues d’autres villes.
Des bénévoles indispensables !
En terminant, j’aimerais remercier nos acteurs bénévoles pour cette journée :
- deux étudiants en techniques policières du CNDF : Nicolas Stohart et Shegan Robinet,
- ma partenaire de toujours Judith Goudreau,
- mon collègue du CanVost, Patrice Cloutier et
- Stéphanie Picard, la gestionnaire de communauté de la Croix-Rouge
Croyez-vous possible un exercice MSGU au sein de votre municipalité, de votre organisation ? Sinon, quels sont les freins que vous rencontrés pour y arriver ?