À partir de 18 juillet, le masque sera obligatoire dans les lieux publics fermés au Québec. Alors que certains avaient déjà adoptés le comportement (ironiquement, c’est nous qui se faisions regarder étrangement en le portant), une trop grande partie de citoyens, moins solidaires ou qui ne se sentait pas exposée, ont sans doute amené les autorités vers cette décision d’obligation.
Le long processus du changement de comportement
Les changements de comportements prennent du temps. Et du surcroît, nécessitent beaucoup d’investissement. Habituellement, des campagnes de communication sur du long, voire, très long terme sont nécessaires. Pensez entre autres :
- Au port de la ceinture de sécurité
- À la récupération (jadis, c’était donc compliqué et impensable)
- À l’alcool au volant
En dehors d’une période de crise ou de catastrophe, donc, quand le temps le permet, on tentera de comprendre les perceptions des citoyens, pour voir où ils se situent face au risque. Selon les tendances recueillies, on ajustera le tir des communications. On prendra le temps puisqu’en dehors d’une période de crise, ce paramètre est plus accessible. Dans notre jargon de communicateurs sociaux nous dirons que l’on prend le citoyen où il se trouve pour l’amener vers une situation désirée. Vers un comportement souhaité. Les campagnes longitudinales, aux 2-3-4 ans, permettront, en bout de ligne d’arriver là on souhaite se rendre.
Sauf qu’en contexte de pandémie, bien qu’elle perdure, le temps demeure un atout précieux. Il y a peu de temps pour s’asseoir ou sonder des échantillons de populations pour comprendre pourquoi ils n’adhèrent pas à tel ou tel comportement et comment on pourrait encore mieux s’ajuster. En période de pandémie, on doit éduquer en même temps qu’intervenir. On travaille donc sur tous les fronts. Idéalement, on aurait sensibilisé les populations en amont.
Les fondamentaux pour un changement de comportement
Une pandémie s’étale sur plusieurs mois, voire même des années. Nous ne sommes pas ici en train de vouloir valider l’acceptation sociale d’un projet de pipeline, nous sommes confrontés à un fait. Confronter à des risques associés au virus COVID-19.
En communication sociale, on nous apprend que pour adhérer à des comportements ou voir des changements de comportements dans la population, certains paramètres doivent être présents chez celle visée. Je ferai ici référence à Corriveau (Raymond de son prénom, professeur universitaire, auteur de plusieurs ouvrages, dont Le plan de communication, une approche pour agir en société).
Une partie de l’axe de modification comportementale dont Raymond explique se dévoile ainsi :
Explications. Dans le contexte pandémique, il faut avant tout :
Croire (croyances) que
- le risque est bien présent.
- en les autorités.
- les conséquences peuvent être graves, voir, tragiques.
- les mesures de protection sont nécessaires et qu’elles contribuent au succès.
On associera, à chaque croyance, une ou des valeurs, des attitudes et des habiletés. Ce qui finalement, mènera à un changement de comportement. Pour simplifier, allons-y rondement avec des exemples pour la pandémie.
Valoriser (valeurs)
- la transmission de l’information concernant le risque lié au virus et ou concernant le non respect des règles sanitaires
- la responsabilité de chaque citoyen dans une communauté pour limiter la propagation du virus
- la crédibilité de nos autorités
- etc.
Adopter (attitudes)
- une attitude positive face aux mesures de protection recommandées
- une attitude positive face aux informations transmises par les autorités
Acquérir (habiletés)
- les capacités d’appliquer les mesures de protection recommandées (de poser les bons gestes pour se protéger du virus)
- les capacités à se référer aux personnes compétentes, ressources désignées
On comprend donc le long processus qu’est le changement de comportement. Des personnes adhérerons plus vite que d’autres, simplement parce qu’elles croiront. On ne parle pas ici de croire aveuglément, en effet, car dans une autre partie de l’axe de Corriveau, on fait référence aux connaissances. Individuellement, chacun doit acquérir des connaissances pour aider à sa compréhension et faire évoluer ses perceptions.
Le Dr Arruda mentionnait, hier, lors de son passage dans la région de la Mauricie : « C’est sûr qu’avec le déconfinement, il y a une partie de la réponse qui est dans le comportement des individus», sauf le respect que j’ai pour le Dr Arruda, j’ai envie de nuancer son propos ainsi : une grande partie de la réponse ou du succès du déconfinement se trouve dans le comportement de chaque personne.
Si on était dans un contexte de guerre ?
Personnellement, je n’aime pas les comparatifs de guerre que certains font avec la pandémie. Toutefois, si on était en guerre, on devrait respecter les consignes pour limiter les conséquences, les dégâts. Pour éviter que les personnes qui nous sont chères périssent. En situation de guerre, nos libertés seraient là, réellement brimées.
La différence c’est qu’avec le virus COVID-19, on a affaire à un risque que l’on ne voit pas. En ce moment, l’ennemi est invisible, il peut être compréhensible qu’une partie de la population n’y croit pas. Encore plus si ses connaissances sont limitées.
Je ferai donc ce parallèle : pendant 10 ans, j’ai travaillé, avec des collègues extraordinaires, à communiquer le risque nucléaire et à former des centaines d’intervenants. Nous avions aussi à faire avec un risque invisible et inodore et étions souvent confrontés à ce type de commentaires : 1. « Pourquoi ils ne ferment pas la centrale ? » 2. « Si ça pète, je prends mes vacances, je n’irai surtout pas intervenir là! »
En outre, nous devions expliquer que le risque était là, point. Il ne nous appartenait pas de débattre de sa présence ou de sa fermeture. Mieux vaut savoir quoi faire, avant, pour s’en protéger et savoir comment intervenir. La méconnaissance ou des perceptions erronées amenaient même les intervenants à être craintifs. Ce qui était normal. Au fil du temps, nous voyions évoluer leurs perceptions, car leur connaissances du risque, de ses conséquences et des moyens de s’en protéger augmentaient. Mais nous avions le temps. Nous n’étions pas PENDANT un accident nucléaire.
18 semaines après le début de la pandémie, les autorités ont dû obliger le port du masque car il n’y a pas, il n’y a plus de temps à perdre. Nous sommes PENDANT. Et ce pendant durera longtemps. Qu’il s’agisse du port du masque, de la distanciation physique, du nombre de personnes que vous invitez à la maison, du lavage des mains, si vous croyez à toutes ces mesures, faites-vous influenceurs auprès de vos proches, de vos réseaux. Valorisez ces bons gestes. « Contaminez » votre monde de vos bons gestes. Et ensemble, nous passerons au travers cette tempête.
Note : je profite de billet dans lequel je lui fais référence pour remercier Raymond Corriveau. Il a su, (bien avant moi), alors que j’étais encore au Bacc en communication sociale, que ma place serait en mesures d’urgence. Si je fais ce métier aujourd’hui, c’est en bonne partie, grâce à lui. Merci Raymond !!